Retrouvailles

Reunionretrouvailles-serkanian-affiche

Visa d’exploitation : 110 509

Court-métrage / Short film
35mm – Fiction – 25′ – France 2004

Réalisation, Scénario, Montage :
Director, Script, Edit :
Reza Serkanian

Image : Sarah Bensaïd
Son
/ Sound : Mathieu Delquignies
Avec
/ Cast :
Corinne Plisson, Christine Braconnier, Natalie Perrey, Oleg Mokchanov, Christophe Pagnon, Sebastien Grau


Synopsis :
La veille de son mariage, Corinne qui revient de Sibérie, prévoit de fêter son enterrement de vie de jeune fille mais seule Christine vient au rendez-vous. Déçue, Corinne décide d’accompagner en Normandie Nathalie, une vieille journaliste qu’elle vient de rencontrer. Ancienne résistante, elle emmène les deux jeunes femmes sur les plages du Débarquement. Devant le paysage de la mer, chacune se retrouve face à elle même et Corinne, après avoir fait un rêve étrange, confie à Christine sa solitude depuis la mort de ses parents, puis ses projets d’avenir.
Corinne is coming back from Siberia to restart her life in Paris after two years. Failing to get together her old friends for her marriage, she decides with Christine to accompany Nathalie, an old journalist who wishes to go to Normandy where she has lived the Second World War.

 

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FESTIVALS
– Festival « Carrefour des cinémas » Paris – France 2005 / Festival « Carrefour des cinémas » Paris – France 2005
– Gothenburg Exil Film Festival – Suède 2005 / Gothenburg Exil Film Festival – Suède 2005
– La cinémathèque de Copenhague – Danemark 2004 / Danish cinemathèque of Copenhagen, Denmark 2004
– Festival international d’Odense – Danemark 2004 Odense International Film Festival, Denmark 2004
– Ouverture du Festival Aye Aye, Nancy – France 2003 / Opening of Aye Aye Film Festival, Nancy – France 2003
– Kino im Fluss.Sarrebruck – Allemagne 2003 (Meilleur film) Kino im Fluss, Sarrbrüken – Germany 2003 (best film)


Un voyage entre terre et mer…

A propos de « RETROUVAILLES » de Reza Serkanian

Au travers d’un voyage, qui commence comme une fugue, emprunte les apparences d’un pèlerinage…pour se clore sur de douloureuses mais libératrices retrouvailles…de soi…le cinéaste esquisse les portraits de trois femmes, pour nous parler, peut-être, un peu de lui-même…
L’accouchement des fantômes du passé ne peut se faire que par la parole des humains entre eux…et lui seul permet un nouveau départ…la maturation de sa vie d’adulte…des projets de vie… un mariage… une naissance, bientôt ! C’est ce précieux savoir que semble vouloir nous léguer ce film, une fois arrivé à son terme… mais qu’en de complexes méandres il nous aura entraînés, ballotés, voire égarés…et que d’inattendus paysages il nous aura fait traverser !
En effet, c’est en renonçant aux pauvres oripeaux des « rites initiatiques » contemporains – « l’enterrement de la vie de célibataire » tel qu’il est pratiqué aujourd’hui par la génération des trentenaires, sorte de couronnement carnavalesque qui semble emprunter sa forme surtout au bizutage et aux rites d’étudiants, que le personnage principal du film, Corinne, pourra se préparer vraiment à sa nouvelle vie !
Chacune à sa manière, trois femmes se confrontent à ce qui fait leur identité…
La première, Christine, a besoin, elle, des artifices du théâtre, ou du spectacle, pour se cacher tout en ayant l’air de s’exhiber…
En effet, le film s’ouvre en fanfare – après toutefois un lent travelling arrière qui nous entraîne dans l’ambiance chaleureuse d’un café parisien où les consommateurs épanouis se laissent bercer par les notes nostalgiques exhalées par un duo de musiciens russes… – : une jeune femme, d’abord dissimulée dans un ample manteau se livre à une déclamation (improvisée, ou pas ?.. on ne sait…) sur le thème de la dureté des rapports hommes- femmes, pour finir en virevoltant entre les tables, allumant les désirs masculins pour mieux les fustiger ensuite…
Christine aura ainsi toujours besoin, ensuite, d’accessoires théâtraux « énaurmes » -un chapeau digne d’un spectacle de Découflé, des ailes d’anges… pour dire en quelque sorte qui elle aimerait être… à défaut de pouvoir dire qui elle est !
Corinne, elle, est plus simple, plus directe, plus « transparente »…apparemment ! Elle cherche, elle aussi, à se dire, mais se passe du jeu des apparences… Elle ne triche pas ; elle parle, elle se raconte, elle pleure ; elle n’a pas peur de s’adresser à des inconnus- au café, dans la grotte des Buttes Chaumont, dans la rue…Elle n’a pas besoin, elle, d’agresser les autres pour dire ses doutes et ses tourments !
C’est elle qui tient dans ses doigts l’écheveau du fil d’Ariane de ce film…
Elle si discrète, si fragile, si lumineuse aussi – avec, à la fin du film, deux gros plans magnifiques de son visage – que le cinéaste semble se décider enfin à nous offrir, comme si sa caméra, volant tout d’abord à ses actrices des images fugitives, comme le regard masculin peut saisir, parfois, des éclats de beauté féminine au hasard des rues… n’avait pu se faire contemplative qu’après un long cheminement… un patient apprivoisement qui se devait de passer d’abord par le défilé de la parole !- c’est bien elle, Corinne, en tout cas, qui se révèle peu à peu être le personnage principal du film, puisque c’est autour d’elle que devait se faire « l’enterrement » !..
Nathalie enfin, le troisième personnage du film, apparu tout d’abord dans le fracas surréaliste d’une cascade en plein Paris – la cascade des Buttes Chaumont, semble tout d’abord un personnage atypique, une originale qui cherche dans cette pièce d’eau « un objet perdu depuis plus de quarante ans » !! On finirait par oublier la fraîcheur et la spontanéité de cette rencontre sous la cascade – qui par son jaillissement, évoque pourtant le baptême, une renaissance, une recherche de pureté peut-être ? – tant, quand on la recroise ensuite dans une rue de Paris, elle paraît insignifiante et grise ! Il faudra l’interpellation de Corinne pour que ce personnage, lui aussi, se dégage de l’anonymat parisien et se révèle à nous progressivement…
C’est donc après ce qui se révèlera être deux Rencontres véritables, et le partage de son désarroi avec ces deux femmes qui lui ont chacune livré un peu de leurs failles et de leur force tout à la fois… que Corinne pourra imaginer la forme qu’elle veut donner à son passage symbolique à une nouvelle vie : une escapade à trois, un voyage en Normandie.
Nathalie, celle qui des trois, est la plus avancée sur le chemin de la vie, semble prendre un bain de jouvence au contact des deux jeunes femmes : dans le paysage maintenant noyé de lumière des falaises normandes, la voilà qui s’éclaire, s’impose s’épanouit ! Elle écoute Corinne, et l’ «accouche » enfin de ses confidences…
Avec son intuition des mystères de la vie et son expérience de femme, elle lui dit avoir deviné son secret : Corinne attend un enfant.
Et c’est comme un oracle qui aurait la puissance de lui donner confiance en l’avenir… Cette révélation, qui est faite en même temps au spectateur, prend alors la dimension d’une catharsis : Corinne peut revivre ou revisiter, comme en psychanalyse, ses liens familiaux, l’idéalisation de sa mère, la dépréciation de son père et la culpabilité qui leur est encore attachée pour des raisons qu’elle imagine fatales et terribles…alors que c’est le lot de tout être humain de se sentir en dette envers ses parents…et que les larmes qu’elle pourra enfin verser à l’occasion de ce dialogue, lui feront retrouver une certaine paix…
Reza Serkanian, qui dans ce film rend hommage à A. Tarkovski, « l’homme qui a vu l’ange » – comme il est écrit sur sa tombe, qu’un flash back nous découvrira – ne cherche pas à montrer la femme comme si elle était un ange. Le personnage de Christine tout au plus, joue à « faire l’ange », mais n’est jamais dupe de ses artifices…
Non, mais en revanche, il offre à ses personnages, affolés et désorientés par la vacuité des relations humaines dans la grande ville, l’occasion de faire , dans cette nature sublime, un cheminement intime, et de retrouver leur intériorité
N’est-ce pas alors le PAYSAGE lui-même, photographié dans une lumière magnifique qui lui rend sa nudité première, qui finit par « accoucher » le personnage féminin de ses doutes et de ses peurs ?…
De même, alors que Corinne se remémore la phrase lancée avec fatalité par cette femme rencontrée lors d’un voyage en Italie : « on fait des enfants et on regarde vers le cimetière ! »… n’est-ce pas encore ce paysage maritime vivifiant qui lui donne la force d’inverser pour elle-même la proposition, c’est-à-dire de se détourner du cimetière et d’assumer pleinement son désir d’enfant, de vivre sa vie ?
En effet, ce n’est pas un paysage vierge, qui est ici choisi par le cinéaste, mais bien l’ancien théâtre d’affrontements sanglants, les plages du débarquement de la deuxième guerre mondiale, sur certaines cicatrices desquelles sa caméra s’attarde à dessein… et qui par la capacité de régénération de la Nature dont il témoigne, offre aux êtres humains la plus belle image d’espoir qui soit…

Par Emmanuelle Costet